Elle a été attendue comme le messie, la suite de la licence de Deus Ex est arrivée. Quatre, c’est le nombre d’années qu’il aura fallu aux développeurs d’Eidos Montréal pour élaborer Mankind Divided annonçant le retour d’Adam Jensen. Un personnage dont le charisme aura convaincu les joueurs amateurs de la licence. Avec un précédent opus d’une qualité quasi-irréprochable, autant dire que la barre avait été placée très haut. Donc les attentes des fans étaient légitimement, elles aussi, assez élevées. Eidos Montréal s’est appliqué à la tâche pour tenter, sinon de surpasser, du moins égaliser, Human Revolution qui avait propulsé en flèches la marque Deus Ex. Est-ce réussi ? Notre réponse dans cet article.
Reprenant les événements de son aîné, Deus Ex : Mankind Divided se situe près de deux ans après l’ « incident », en 2029. Les « Augmentés », humains qui ont subi un transhumanisme leur accordant des capacités largement supérieures à celles d’une personne normale, sont victimes d’une discrimination sans précédent. Rappelons en effet que l’incident a conduit les individus augmentés à commettre des actes de violence inouïe contre la population dite « organique », hors de contrôle à cause de leur implant neuronale, détournés par une société dirigée par les Illuminatis souhaitant une guerre civile pour instaurer un système martial sur la planète. Le clivage, déjà très fort lors de Human Revolution, entre la population pro et anti-augmentés s’exacerbe encore davantage au point de former un apartheid obligeant les Augmentés à vivre dans des endroits spécifiques voire sont tout simplement interdits d’accéder à certains lieux. Dans un climat tendu et anxiogène, des groupuscules se forment, dont certains très dangereux. Face à cela, Adam Jensen, qui a désormais intégré la division antiterroriste d’Interpol (la Task Force 29), est lancé dans une enquête visant à retrouver les responsables d’un attentat ayant eu lieu à la gare de Prague, ville de résidence de l’agent de la Task et du QG de son organisation mondiale. Bref, Mankind Divided reprend le background, le scénario et l’ambiance très riche qui avaient fait le succès de Human Revolution. Un scénario très complexe dont les enjeux ne peuvent être réellement jaugés qu’en ayant mis la main à la pâte sur le précédent titre. Précision néanmoins : ceux qui ne seraient pas dans ce cas peuvent bénéficier d’une vidéo d’à peu près sept minutes qui récapitulent (sans être exhaustive hélas) le déroulement de Human Revolution.
Une narration maitrisée de bout en bout
Vous aurez sûrement compris que Deus Ex : Mankind Divided est un jeu complexe par son scénario, avec des enjeux et des sous-thèmes qui pullulent en filigrane au point parfois de perdre le moins attentif des joueurs. Les premières heures de jeu seront cependant sans nuance, mais sans aucun doute de façon volontaire, pour poser immédiatement l’ambiance du jeu et immerger sans détour le joueur. On est donc d’emblée plongé dans un univers ultra-manichéen avec les gentils Augmentés et les méchants organiques racistes, les policiers qui feraient rougir des SS tant ils sont violents et dictatoriaux… Bref, une première façade du jeu qui n’a pas de quoi ravir ceux qui attendaient un jeu tout en nuance. Mais une fois la première couche de verni grattée, on se rend compte que le scénario monte crescendo et les subtilités apparaissent avec un peu de patience. Le tout est renforcé par une trame narrative soignée, avec des missions secondaires toutes scénarisées, avec, pour la plupart, des personnages qui dénotent par leur originalité. Enfin, des dialogues pas piqués des hannetons, poussifs parfois, verbeux à souhait à maintes reprises, de quoi ravir les fans de RPG. Ajoutons à cela des choix, certes moins nombreux qu’à l’accoutumée, et des thématiques en marge de l’actualité, et vous avez un jeu à scénario maîtrisé et appliqué.
Deus Ex Mankind Divided réussit à insuffler la vie à son univers grâce à son fourmillement de petites saynètes et la brouette d’activités optionnelles à réaliser dans les différents quartiers de Prague. Il y a beaucoup d’objets à trouver, à lire, à écouter, des codes à pirater, des endroits à visiter. Certains dialogues vous donneront des informations sur le background, voire parfois sur des codes, des secrets ou des endroits cachés ; informations non-négligeables si vous voulez progresser dans une mission en limitant les bavures. Un sentiment d’évolution s’empare alors très vite du joueur, avec un level design maîtrisé jusqu’au bout des doigts et une immersion du feu de dieu avec une DA de très grande qualité.
Techniquement passable, artistiquement fabuleux
Un Gameplay amélioré et savoureux
Si vous choisissez le rentre-dedans, vous ne serez pas non plus en reste puisque ce nouvel opus corrige pas mal de faux pas qui entachaient les phases d’action de Human Revolution. Un effort notable a été fait quant aux différentes armes du jeu, offrant des sensations assez sympathiques vis-à-vis de la puissance et du recul nettement plus crédibles et dynamiques que par le passé. Les nouvelles augmentations quant à elles, sont franchement agréables à utiliser et décuplent le sentiment de puissance qui se dégage d’Adam. Bouclier, bullet-time, dash… les capacités sont originales, complémentaires, et s’avèrent très plaisantes à l’usage. L’interface a ainsi été perfectionnée en proposant la possibilité de changer le mode de tir, les munitions et la customisation de votre arme en une simple touche, ce qui bonifie le dynamisme des armes. Sachez que vous pourrez aussi renforcer et améliorer vos armes grâce à des pièces détachées que vous trouverez en vous baladant et en fouillant certains endroits.
Toute pièce d’art a ses dégénérescences
En conclusion
- + Une narration aux petits oignons
- + Ambiance et atmosphère prenantes
- + Un level design réfléchi dans ses moindres subtilités
- + Une Direction Artistique soignée
- + Un Gameplay qui marche
- + Un univers vivant
- + Un arbre de compétence très bien pensé
- + Un new game+ très opportun
- + Une durée de vie conséquente (~ 35H)
- - Des choix qui ne montrent pas explicitement tout leur potentielle
- - Une technique presque à l'abandon
- - Une VF perfectible
- - Une fin parachutée
- - Le feeling de certaines armes
- - Une IA clairement aux fraises
Deus Ex : Mankind Divided n'a pas de quoi faire honte à son aîné. C'est une suite très correcte et soignée, avec ses nombreuses qualités et ses petits défauts qui font son charme. Avec une narration portée au rang des grands maîtres de la science-fiction, des personnages intéressants et des thématiques très politiques qui amènent à réfléchir, Eidos Montréal a prouvé qu'il a les capacités de faire de vrais grands jeux. Evidemment, une petite amertume reste en bouche à cause de l'engouement suscité par ce nouvel opus, mais force est de reconnaître tout de même qu'il a réussi le pari de nous bercer dans cette aventure jusqu'à la fin, un poil trop chique et trop expéditive.