« Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans » : vous connaissez tous cette petite ballade qui suscite en notre âme un parfum de nostalgie. Et s’il arrive parfois que ce sentiment soit généré par l’écho d’une mélodie, d’aucuns le retrouveront dans un univers, une ambiance. Shadow of the Beast, sorti en 1989, développé par Reflections et édité par Psygnosis, est l’un de ces jeux que les nostalgiques d’un ancien temps, où le jeu-vidéo était encore en 16 bits, se rappelleront sûrement toute leur vie. Avec pour cette période une technique et des graphismes proches de la perfection, le jeu était entré, tranquillement au calme, dans le panthéon des meilleurs jeux de tous les temps. Alors évidemment, avec un tel panache, difficile pour les industries du jeu-vidéo de ne pas succomber à l’alléchante opportunité de nous en resservir un petit peu à grands coups de remasterisation HD. C’est sous la houlette de Heavy Spectrum, petite boite pittoresque, que s’est rebâti l’antre de la bête. Et désormais, les nostalgiques qui ont sûrement pris un coup de vieux en l’espace de quelques secondes, comme les nouveaux-venus, peuvent se (ré)essayer à l’un des mastodontes de l’Histoire vidéoludique. Les saveurs d’antan ont-elles perdu de leur grain ? Réponse immédiatement.

 

Un dépoussiérage plus ou moins en bonne et due forme

 

sotb02Remettre au goût du jour Shadow of the Beast, c’est un peu comme ressortir des greniers de sa grand-mère une vieille recette de cuisine qui avait eu ses fans à une époque où l’expérience culinaire n’avait pas encore été bien défrichée. Au-delà de cette comparaison un poil niaise, il ne fait aucun doute que l’intemporalité d’un jeu vidéo, quand bien même peut-il être une réussite, relève davantage du mythe que de la réalité. Force est en effet de constater qu’on redécouvre tous les jours de nouvelles expériences vidéoludiques, renforcées par une technologie de plus en plus performante. À l’ère des Oculus Rift, de la Réalité Augmentée, du 1080p et du 60 FPS, difficile pour Shadow of the Beast de se refaire une beauté quand presque 30 ans séparent le vieux gus d’un Uncharted 4. Pourtant, un tel pessimisme n’a pas touché le fameux Matt Birch, un Britannique fan inconditionnel de la version 1989 de Shadow of the Beast. Et l’enthousiasme d’un fan n’a aucune limite. Après de longs processus, celui-ci est finalement parvenu à faire ce que des centaines de milliers de fans attendaient : une remasterisation du must-have de la fin des années 80. Pour cette abnégation et cette motivation, nous tirons notre chapeau.

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Le premier constat est que le jeu est plutôt joli, avec une réalisation artistique réussie qui joue dans le grandiose grâce à certains plans de caméras des plus léchés qui favorisent une certaine intensité dans les actions, ou de l’épique dans certaines phases de plateforme. Avec des effets de lumières, de prolifération d’éléments à l’écran, le titre parvient à nous laisser en haleine grâce à des graphismes réussis qui montrent une relève assurée de la version de 89 et qui prouvent que cette remasterisation n’est pas un simple outillage commercial. Le level design est quant à lui assez classique, mais qui ne mérite pas l’opprobre dans la mesure où il tend à rappeler la structure de la version de 1989. On retrouve néanmoins des passages secrets, quelques raccourcis, et des objets à trouver telles que des gemmes magiques et qui poussent à ratisser les maps.

 

sotb07Dans Shadow of the Beast, nous contrôlons Aarbron, enlevé par des forces maléfiques alors qu’il était encore nourrisson, devenant à son tour un monstre violent réduit en esclavage par des liens magiques. Immédiatement, le joueur est jeté dans ce monde impitoyable et violent par le parricide d’Aarbron, qui, découvrant alors la vérité sur ses origines, souhaite se venger et part défourailler tout ce qui bouge pour retrouver le meneur des forces maléfiques qui l’a manipulé pendant tant d’années. Un scénario classique qui n’a pas bougé d’un iota, mais qui est en adéquation avec l’ambiance de l’époque et la popularité d’un tel sujet. L’univers a cependant été approfondi grâce à l’insertion d’un bestiaire qui donne un véritable cachet au Background, puisque les plus rôle-playeurs d’entre nous prendront plaisir à lire l’histoire des villes et des monstres qui peuplent ce monde. Un ajout plaisant mais qui donne vite une impression de remplissage… Les fans seront nécessairement ravis de voir s’approfondir la trame d’un jeu qui les avait conquis. Les autres, loin d’une telle attente, ne considéreront cela que comme un contenu tiers.

 

La casualisation de la société

 

sotb05Shadow of the Beast était aussi connu pour sa difficulté hors-pair pour compenser une durée de vie rachitique. En 1989, on affrontait des vagues d’ennemis lancés à une vitesse hallucinante, changeant les phases de jeu en des moments de concentration intense pour ne pas se risquer à mourir pour une broutille. Si en soi Heavy Spectrum a cherché à conserver cette âme-ci en laissant sur la version 2016 un système de combat en 2D et en scrolling, l’ensemble laisse un goût de casualisation dès les premières minutes de jeu. Le jeu alterne en effet entre des phases d’action et de plateforme, comme à l’accoutumé, dans des zones vues de côté où le principe est d’achever le niveau tout en culminant le meilleur score possible. En ce qui concerne les phases de combat, on ne peut qu’apprécier l’effort fait sur un peaufinage de Gameplay : R1 permet de contrer, le joystick droit permet de pratiquer des roulades. Ces deux actions n’existaient pas à l’époque de 1989. Evidemment, nous retrouvons les touches classiques d’attaque (Carré) ainsi que la projection (Rond). On retrouve aussi les fameuses attaques spéciales qui ne peuvent être utilisées qu’au moyen d’une jauge de sang se chargeant à mesure que nous tuons des ennemis. Nous avons alors au choix de combiner R2 et Triangle pour voler de la vie, R2 et Rond pour multiplier son score, mais encore d’utiliser la rage qui permet de faire un carnage, ou d’appuyer sur le pavé tactile pour faire émerger du sol des piques qui empalent tous les ennemis dans la zone. Pour y parvenir, il faut réussir une série de QTE dont la difficulté s’exhausse à mesure que vous enchaînez les cadavres.

 

sotb04Le système de combat est très travaillé et approfondi. Hélas, le constat aurait été trop parfait si on n’avait pas eu à noter une caméra capricieuse et des animations hachées qui rendent parfois les affrontements douloureux. Par exemple, lorsqu’on a choisi par erreur d’attaquer un ennemi au lieu de contrer, il faudra attendre que l’animation se termine. Le jeu est surtout devenu des plus aisés au premier venu si tant est que celui-ci maîtrise plus ou moins les QTE, transformant très vite le titre en un jeu de rythme. La frustration se manifeste assez vite pour tous les joueurs désireux de faire un score honorable et qui, sous le coup potentiel de la précipitation, commettent une petite erreur. De même, les boss, certes impressionnants, ne sont pas d’une difficulté à toute épreuve en raison de patterns assez pauvres et d’une difficulté absente au bataillon. Ce qui n’est pas sans décrédibiliser leur posture épique et belliqueuse.

 

Un ensemble qui se destine surtout et avant tout aux nostalgiques

 

Techniquement Shadow of the Beast s’adresse de toute évidence aux joueurs et amateurs de old-school. Le jeu reste particulièrement générique. Et ce ne sont pas les quelques interfaces, comme la possibilité d’améliorer ses caractéristiques (telles que sa santé, ses dégâts…) à partir des points gagnés en fin de partie, ou encore celle proposant des bonus du jeu, qui parviennent à rehausser l’affaire. Sur les huit niveaux proposés, le titre s’achève en trois heures et la vraie replay-value réside dans le scoring, ce qui n’est pas forcément le plaisir de tous les joueurs. Cependant un véritable cadeau a été offert à la fanbase du titre, puisque les bonus proposent tout de même de refaire le jeu en 16 bits, dans sa version originale de 1989.

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Malgré une volonté de bien faire et une abnégation sans pareille, Heavy Spectrum n’est pas parvenu à accomplir un portage proche d’un reboot ou d’un remake. Trop ancré sur des mécaniques et des concepts éculés, par volonté délibérée de sauvegarder l’âme rétro de la fin des années 80, Shadow of the Beast version 2016 est davantage un hommage au jeu d’origine qu’un véritable renouveau. Il s’en sort néanmoins avec les honneurs puisque le titre est attachant et rappellera sûrement de très bons souvenirs aux nostalgiques.

 

En conclusion

/10
Pour
Contre