Ubisoft est sûrement le maître de la communication pour les jeux qu’il développe. On se souvient par exemple de Watch_Dogs, dont les premières vidéos de bande-annonce annonçaient un jeu révolutionnaire… Pour le résultat qu’on connaît aujourd’hui. Pourtant, la grosse boîte multinationale persiste dans cette stratégie, quitte à vendre leurs jeux pour des perles rares sur le papier, et qui ne sont en pratique que des jeux corrects voire moyens. Hélas, The Division ne déroge pas à ce triste constat. Présenté comme un renouveau du MMO, avec une base innovante et immersive, on en attendait énormément du dernier blockbuster de la firme. Encore une fois, Ubisoft est victime de sa propre stratégie commerciale. Explications.

 

The Division avait été annoncé à l’E3 2013 sous la forme d’une vidéo qui présentait un jeu plus que prometteur. Graphismes à couper le souffle, Gameplay du feu de Dieu, immersion et détails des particules au sommet. Pourtant, plus les années ont passé depuis cette première révélation, plus le jeu a connu des annonces de moins en moins flatteuses : fin du 60 FPS annoncé, downgrade graphique, réduction du contenu, reports successifs. L’Eldorado du MMO s’est vite changé en un triste radeau de la méduse. Après plus d’une trentaine d’heures sur le jeu, le bilan est assez moyen.

 

Où es-tu, scénario ?

 

Thedivision03Autant le dire tout de suite : The Division est loin de briller par son scénario. La narration est sporadique et même quelconque pour justifier l’ambiance post-apocalyptique du titre. On apprend en effet qu’une espèce de grippe virale a contaminé les Etats-Unis et le continent a alors basculé dans une anarchie totale où la loi du plus fort règne. Fort heureusement, un groupe d’agents, nommé la Division, s’assure de maintenir l’ordre, la paix et la sécurité auprès des survivants de la catastrophe. Vous incarnez un de ces agents, chargé de nombreuses missions, aussi mal amenées les unes que les autres et qui ne sont encore une fois que prétexte à du pan pan boum boum.

 

The Division souffre en effet d’une narration assez chaotique et brouillonne. Des personnages secondaires assez inintéressants, plutôt clichés, et pour lesquels on ne s’attache pas une seconde ; des dialogues proches de la platitude, et des situations éculées qui peinent à convaincre et à porter le titre dans son caractère plus subtil. Le message principal qui est laissé est en effet vu et revu des centaines de fois : l’Homme est un loup pour l’Homme. Là où le message était habilement et très intelligemment amené dans la narration d’un jeu comme The Last of Us ou Spec Ops : The Line, The Division peine à émouvoir ou à saisir l’attention du joueur.

 

thedivision01Pourtant, l’ambiance et la direction artistique parviennent à rattraper le problème. Les décors sont franchement immersifs, entre les buildings et gratte-ciels effondrés ou délabrés, les fenêtres qui claquent, le vent, les particules de neige ou encore les animaux qu’on pourra croiser durant notre route, tout est relativement bien pensé pour plonger le joueur dans l’univers. La bande-son est aussi très bien maîtrisée, les bruits lointains (comme des détonations, le croassement des corbeaux, les alarmes de voiture), le bruit des pas dans la neige, ou autres éléments, sont particulièrement convaincants (et davantage avec un casque grâce au son 3D). De ce point de vue-là, c’est une belle réussite.

 

Le level design et la direction artistique parviennent à rehausser l’intérêt graphique du jeu, pas franchement très beau et proche de ce que vaut un Watch_Dogs sur console. Les animations ne sont pas transcendantes, les textures sont pauvres, le design des armes est tout aussi sommaire. Seuls certains plans remontent le niveau avec des effets d’éclairage ou une météorologie qui apportent un cachet à la pauvreté graphique du jeu.

 

Un faux MMO

 

thedivision02Ubisoft a longuement insisté sur le fait que The Division était un MMO. Or, force est de constater que ce n’est pas vraiment le cas. Il s’agit davantage d’un jeu en coopération en ligne qu’un véritable RPG. Des explications s’imposent. Certes, nous retrouvons à foison des éléments qui peuvent rappeler le genre : montée de niveaux, expériences, équipements, améliorations, course à l’armement, progression, ennemis avec niveaux. L’ensemble est pourtant très minimaliste, jusqu’à la personnalisation même de son personnage. Les seuls moments où l’on peut croiser d’autres joueurs sont lorsqu’on se trouve dans des hubs ou dans la Dark Zone (on y reviendra). Pour le reste, il faudra se contenter de jouer avec 3 autres collègues en coopération pour les missions. On fait rapidement le tour des armes à feu et des équipements, tout comme les éléments de personnalisation (vêtements, skin d’arme). C’est si pauvre qu’on aurait du mal à en parler davantage. Le MMO implique aussi une histoire ramifiée, des dialogues interactifs (en association avec le Rôle Play). Or, ces critères sont absents au bataillon.

 

Quant au Gameplay lui-même, le système reprend les mécaniques d’un Tom Clancy’s. Un système de couverture toujours aussi efficace et intuitif, des tactiques différentes à adopter selon les armes et les situations etc. Le regret restera finalement que l’infiltration soit inexistante à cause d’une IA assez pauvre et surtout des combats dans l’ensemble plutôt paresseux, surtout vers la fin du jeu. À raison, les ennemis gagnent en points de vie et on découvre finalement les limites de l’aspect MMO dans un univers futuriste. Si Mass Effect parvenait habilement à combiner futur et RPG, The Division ne rend pas la chose crédible car c’est un futur proche. Or, que penser lorsqu’un ennemi ne meurt toujours pas après lui avoir vidé une vingtaine de grenades et plusieurs centaines de balles dans la tête ? Le jeu perd en crédibilité et surtout, les affrontements deviennent presque ennuyeux. Surtout que l’architecture du jeu n’est pas non plus des plus convaincantes : les missions sont assez similaires dans leur ensemble. On progresse dans des couloirs où apparaissent des vagues d’ennemis à éliminer avant d’arriver au Boss et de droper des récompenses de fin de niveau.

 

« Le regret restera finalement que l’infiltration soit inexistante à cause d’une IA assez pauvre et surtout des combats dans l’ensemble plutôt paresseux, surtout vers la fin du jeu »

 

thedivision04Le manque de variété se retrouve jusque dans les missions secondaires. Il existe en effet plusieurs types de missions secondaires. Dès les premières heures de jeu, vous devrez en effet entretenir une base composée de trois secteurs : le secteur médical, le secteur technologique et le secteur sécurité,  qui sont l’équivalent de l’arbre de compétences divisé en ces trois branches. Pour améliorer ces trois ailes, il faudra accomplir des missions annexes, elles-mêmes réparties selon qu’elles concernent l’aile sécurité, technologique ou médicale. Et les missions sont alors strictement identiques selon la typicité. Ainsi, l’aile médicale vous demandera de toujours sauver des otages, l’aile sécurité de protéger des cargaisons d’armement, et l’aile technologique de désactiver des explosifs ou d’activer des bornes dans des zones assez similaires (égouts ou toits). Encore une fois, l’ensemble est assez paresseux et c’est regrettable.

 

Pourtant, la progression de notre personnage et de notre équipement parvient à corriger quelque peu ce manque de variété du jeu et son terrible syndrome du copié/collé. On veut sans cesse s’améliorer et devenir plus fort pour pouvoir accéder à de nouvelles zones. De ce point de vue-ci, le MMO remplit bien son office. Cependant, inutile d’espérer s’amuser en étant en solo. Le jeu est déjà particulièrement corsé à plusieurs, et cela ajoute du fun ; mais se risquer à faire l’aventure en solitaire risque de nuire à l’expérience de jeu. Le titre prime sur la coopération et le jeu en équipe, et c’est d’autant appréciable qu’il n’hésite pas à sanctionner immédiatement les trublions un peu individualistes en raison d’un système assez bien pensé de la difficulté. En cela les attributs des personnages sont complémentaires : ceux qui auront privilégié l’amélioration du secteur médical seront davantage en retrait pour soigner leurs collègues ; l’aile technologique favorisera l’utilisation de gadgets et de supports pour handicaper l’ennemi ; l’aile sécurité favorisera le combat direct avec des améliorations et des boosts de dégâts favorisant le bourinage. Classique mais toujours aussi efficace.

 

« On souhaite sans cesse s’améliorer et devenir plus fort pour pouvoir accéder à de nouvelles zones. De ce point de vue-ci, le MMO remplit bien son office »

 

Notons néanmoins une interface assez brouillonne, et davantage pour les joueurs PC.  L’interface du jeu est particulièrement complexe et demande un certain temps d’adaptation. Le manque d’intuitivité est compensé avec difficulté par une interface riche et exhaustive qui permet, une fois bien appréhendée, d’y retrouver tout ce dont on a besoin pour avancer dans le jeu ou pour l’amélioration de son propre personnage. Le joueur un peu casual risque de se perdre…

 

La Dark Zone : véritable valeur ajoutée

 

Thedivision05La Dark Zone est un autre plus du jeu. C’est une zone entièrement libre où les joueurs de haut niveau se retrouvent pour droper des équipements beaucoup plus puissants et parfaire ainsi leur armement. Mais la particularité réside surtout sur le fait que n’importe quel joueur peut s’en prendre à un autre. La parano envahit immédiatement le joueur qui est plongé dans une map beaucoup plus sombre et surtout plus punitive que les autres zones du jeu. La difficulté est présente, avec à la fois des ennemis bien plus résistants et puissants qu’ailleurs, et des joueurs qui se plaisent à vous voler tous vos drops. En effet, tout ce que vous droperez dans cette map ne vous appartient pas tant que vous ne l’avez pas fait évacuer par hélicoptère dans des checkpoints assez précis. Mais attention : il faut appeler l’hélicoptère dans les Checkpoints, ce qui peut prendre plusieurs minutes, donnant l’occasion à certains joueurs de pouvoir vous attaquer à ce moment pour vous dépouiller. Le choix s’impose alors de coopérer ou de se tirer le nez joyeusement. Cette zone ajoute une vraie durabilité au titre qui souffre en effet d’une campagne principale assez courte (10 heures) et de quêtes annexes assez ennuyeuses pour lesquelles on aura vite fait le tour.

 

L’ensemble du titre n’est pas catastrophique en soi, car il a toujours ce petit « truc » qui vous fait garder la manette ou la souris entre les mains. Mais la déception est évidente en raison d’une communication commerciale abusive qui encensait le jeu comme une véritable révolution du MMO. Mais ce n’est pas le cas, et The Division est la victime collatérale de cette stratégie assez douteuse. On y prend du plaisir, mais pas suffisamment pour prétendre sur le papier que The Division est la claque de l’année.

En conclusion

6/10
Pour
Contre